Le CERCC prend en considération l’évolution des recherches littéraires qui furent menées à l’Ecole Normale Supérieure depuis son installation à Lyon.
Sa mission première était de placer la poésie moderne et contemporaine de langue française au croisement des pratiques et des réflexions théoriques de son époque. Il s’agissait ainsi de rendre compte des formes nouvelles de la pratique poétique contemporaine.
Depuis 2010, cette tradition a été interrogée à l’intérieur d’une histoire fortement élargie des pratiques poétiques distinctes et parfois éclatées, depuis l’Europe des Romantismes jusqu’aux pratiques contemporaines (écritures interfacielles, performances, hybridations), et jusqu’à l’époque de la littérature mondiale. Cette mise en perspective historique et transationale exigeait un nouvel effort d’élaboration, et des outils critiques capables de prendre en compte les nouvelles échelles et géographies de la diversité apparue aux XIXe et XXe siècles.
Par ailleurs, les pratiques poétiques sont inséparables des histoires et des conflits qui les traversent et apportent des propositions différentes et nouvelles. La « poésie en crise » est plus que jamais en contact avec les autres arts, tout comme ces autres arts sont eux-mêmes en contact avec des pratiques humaines générales qui les déstabilisent et les redéfinissent sans cesse. C’est pourquoi le CERCC a donné la parole aux artistes eux-mêmes, dans un face-à-face direct entre la création pratique et la recherche universitaire.
La poésie ne constituant pas un domaine autonome, n’étant donc ni " seule " ni "dépassée", le CERCC a fait le choix de s’ouvrir aux pratiques de la prose, du roman, aux fictions contemporaines, d’interroger l’histoire longue de l’essayisme, puis de poser de manière centrale la question des traductions et de la traduction, des "événements" de traduction. En effet, le poème et la traduction ont toujours remis en cause l’identité supposée des langues et des traditions. La traduction est le moteur de la crise de la tradition.
Un autre aspect central de l’histoire envisagée au CERCC est la conviction qu’entre poésie et théorie poétique, au sein même de la mise en cause contemporaine de la tradition poétique, un rapport fondamental est maintenu entre l’acte poétique et sa composante théorique. La théorie poétique est la conséquence directe, intérieure et nécessaire de l’écriture poétique elle-même, non une illustration ou un commentaire qui lui serait extérieur. La pensée du poème pose alors à la poétologie la question de tous ses déploiements possibles, d’où la décision de rassembler des historiens des arts non verbaux et des poéticiens polyglottes, des praticiens et des poétologues, de favoriser une réflexion commune sur la "création" dans son sens le plus large possible, au nom même des diversités des approches et des différences entre les arts.
Le CERCC s’est donc ouvert résolument aux questions qui accompagnent la poésie vers d’autres langues, qui l’ouvrent à d’autres systèmes sémiotiques (arts plastiques, arts de la scène, musique, cinéma, bande dessinée), aux autres manières d’interroger le champ de l’écriture qui sont venues de la littérature générale et comparée, des études américanistes, hispanistes, germanistes et anglicistes, des sciences humaines, de la philosophie, de l’anthropologie, de l’histoire de l’art.
Ces champs disciplinaires sont venus enrichir le propos initial du Centre, et permettre une ouverture sur la diversité effective de la création et des conceptions contemporaines de l’art, c’est-à-dire sur ce qu’on pourrait appeler l’actualité de son champ politique.
Rapport de visite HCERES/CERCC 2014-2015
Iconographie©Coll part. Détail de la femme aux jarres. Maison carrée à Nîmes, papier salé, 1857.